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ETRE SOLUBLE 

Dominique Van den Bergh

Marion Séhier

Margaux Nieto

                      

Déconcertante et malicieuse Mélissa Ansel ! On se connait depuis longtemps et elle sait combien je suis imperméable voire antagonique à toute esbrouffe, toute tentative artificielle de théoriser l’expression artistique et comme je m’agace par exemple parce que je ne comprends jamais rien aux textes qui accompagnent les expositions… Comprenons-nous, je connais les mots utilisés mais mis bout à bout dans une impitoyable et trop savante volonté de faire de chaque geste un concept, je m’y perds, je m’ennuie et je déserte. Elle sait aussi que je n’aime rien tant que l’intime et le collectif, (rien à voir, on se rassure avec un goût pour d’amorales bacchanales ! ) et voilà qu’en grande prêtresse lucide et indocile, elle vient me provoquer en me proposant cet exercice funambulesque.

Elle sait aussi, la drôlesse, que je ne sais pas dire non.

Je suis soluble.

Ainsi, je rencontre Margaux, Dominique et Marion. Je suis séduite. Intriguée et bercée par la subtilité de leurs travaux, l’honnêteté de leurs recherches. Ces trois feux-follettes allaient m’apprendre quelque chose, c’était certain. Elles allaient en effet me montrer un chemin, une voie pour lâcher du lest, déposer le bambou rigide et dévorant de la pose, assumer l’intention, filer légère vers l’abandon. Une école buissonnière.

Elles m’envoutent et je les envie.

Je les envie de pouvoir se dissoudre en mille particules, mille étincelles pour prendre tout l’espace et toute la lumière, pour donner, offrir à voir, ouvrir les brèches de l’indicible, de l’enchanté, du merveilleux et du caché. Ces trois sibylles, jumelles improvisées et inspirantes, n’ont pas peur de se jeter à l’eau. C’est surement l’été, dans l’eau claire d’une rivière dans une campagne napolitaine, tout près des ruines de Pompéi. Elles nageront libres et nues et se sècheront dans des étoles de lin blanc léger, avant de se lover dans l’herbe et surveiller le feu qui réchauffe. Toute la nuit à la clarté de la ronde lune et jusqu’à l’aube, elles riront souvent et parleront d’incandescence, d’impermanence, d’éphémère, de mystérieuses salamandres, d’alchimies fragiles, de légendes païennes, de voyages symboliques et d’enchantement. Botanique, fantômes et spiritualité, il ne faudra pas les déranger… 

 

Mélissa Ansel cherche l’épiphanie. Toujours en quête d’une nouvelle famille, d’une nouvelle histoire à raconter, celle-ci est des plus harmonieuse malgré la variété des médias utilisés. Comme une évidence. Ici personne ne se garotte, rien qui ligamente, chacune cherche son chat, poursuit son aura, on plante une graine, on donne vie puis on disparait pour mieux se réinventer ailleurs. Comme dans une nouvelle histoire d’amour. Le miracle a lieu, ces magiciennes nous font voir ce qu’il y a derrière. Naturellement. Ici, la statue est mouvante, le trognon de pomme immortel, la terre de glaise luminescente. Ça fait sens, il y a du lien et si cela fait sens, alors cela fait art. Une réconciliation avec notre infirmité à croire que nous devons dire ce que nous éprouvons.  

Il n’y a rien à dire, il y a juste à voir.

Sans plus de bruit, laissons aller nos yeux et nos âmes, nous sommes entre de bonnes et belles mains. Ces trois femmes célestes, lumineuses et fugitives ont un joli petit grain, un asticot dans la noisette, un hanneton dans la cafetière, elles travaillent du bigoudi, oui, elles sont perchées, un peu, mais qu’on est bien dans leur grand arbre, assis.es sur une branche, à l’ombre d’un soleil trop brûlant, d’un monde trop violent. L’art permet d’accepter l’inacceptable.

Être soluble, c’est savoir être enclin.e à fusionner avec ce qui nous entoure. Alors osons et dans un grand mouvement perturbateur et doux, soyons-tous.tes solubles, les uns dans les autres, les uns avec les autres dans une orgie de tendresse, d’humour et de poésie éclectique ! Oui, soyons impudiquement nous-mêmes…

Cécile Maistre-Chabrol

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