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Thomas Bernardet 

Annick Nölle

Matthieu Raulic

EXPOSITION 24/01 > 23/02

Dans le jardin enchanté et illusoire de Mélissa Ansel, dans son arbre aux mille branches, l’harmonie peut germer du fouillis, d’un tohu-bohu ! La recette est savoureuse et ne manque pas d’audace. Il s’agit donc de réunir à nouveau trois éléments distincts, de deviner leurs natures, de leur gratter la caroncule, de les affaiter sans en avoir l’air et de leur offrir, après une couvée de douze mois, un espace bien au chaud pour passer l’hiver. Au bout de l’an, ils sauront pondre un œuf et de leur matière grise et colorée naitra un réjoui et troublant collectif.

Trouver un titre à l’aventure c’est le plus agaçant car il s’agit peu ou prou de commencer à se définir. C’est irritant. C’est inhibant. Il faudrait lever un voile qu’on aime garder opaque. C’est beaucoup demander à ces trois instinctifs-ci, qui n’aiment rien tant que bousculer l’air et les espaces, l’indéfinissable et le mystérieux.

  • Nous sommes trois oiseaux, a soudain dit Thomas.

  • Lightly. Comme la lumière et la lenteur que j’aime, a renchérit Annick.

  • Petit à petit, l’oiseau fait son nid, a pensé Matthieu, sans peut-être le dire.

C’était un bon départ pour construire leur humanité. Pour tresser la forme de leur commun panier. Concevoir avec délicatesse, soin, doutes et réflexions, fabriquer avec patience et se jeter enfin à l’eau. Comme quand le chat guette l’oiseau.

Lightly lightly catchee bird. Tel sera le nom du nid.

 

Je glane, tu as glané, elle glanera, nous glanions, vous glanâtes, ils glanèrent. Ensemble. Des glaneurs célestes. Une cueillette d’images et de ressentis. Glaner, c’est ramasser dans les champs les épis qui ont échappé aux moissonneurs. Ce que l’on ne voit pas, ce que l’on ignore, ce qui n’a pas une valeur de profit est pour eux une aubaine. Ainsi, le nez au vent, volages équilibristes, cela ils l’appréhendent, ils le ramassent, l’observent, le récupèrent, le démontent, le remontent, le déboitent, l’apprivoisent, le recyclent, l’enluminent, le réparent, le caressent, le chérissent.  

Ils prennent le temps. Sans mise en scène, sans rien forcer. Par petites touches. En plusieurs couches. Le geste simple et intuitif. On fait avec ce qu’on a. Il suffirait de se baisser pour ramasser. Du papier, du bois, du plastique, du tissu, des pierres et des clous, des ampoules, des matériaux déjà utilisés, des dessins d’enfants oubliés, des boites à musique cassées, une robe de peintre tâchée. Muni.es de ce bric à brac, de ce trésor, on peut alors s’acharner à flotter, à ne pas ressembler, à rester instables et rendre visible nos vulnérabilités.

L’ambition est inculte et convaincre, c’est obscène.

Rien de leurs œuvres ne touche les murs d’exposition, rien n’est figé, rien qui enferme. Quelle trace voudrait-on laisser ? Quelle couleur ? Du rouge ? Du rose peut-être ? Rien de pérenne. Tout peut se modifier. Tout peut disparaître. Tout est dans l’à-côté. Regardez ! Il faut soulever les toiles, chercher leurs paysages, remarquer les accrochages, admirer les assemblages, se laisser distraire par leurs éphémères, s’abstraire avec le réel et s’allumer à la lueur de leurs poésies.

Ne vous y fiez pas, la mer est calme mais les geysers suffoquent. Ouvrez la cage et voyez s’envoler ces trois Peter Pan, oiseaux tendres et blessés, ils vous accueillent à bord de leur électrique et indocile innocence. Leurs pensées magiques s’en iront sauter les murs, et au milieu des ruines, ils passeront entre les gouttes et atteindront leur mer pour y jeter des cailloux et faire des ronds dans l’eau. Des ronds dans l’eau de nos enfances.

Cécile Maistre-chabrol

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